Archives de Catégorie: Matei Vişniec

Moi je suis un triste compagnon de voyage – Matei Vişniec

Moi je suis un triste compagnon de voyage
je ne mange ne bois ne regarde par la fenêtre
de temps en temps je sors mon immense mouchoir
et pendant une demi-journée j’essuie mes verres
fumées
 
je suis le plus triste compagnon de voyage
je ne parle jamais dans le noir
mes valises sont petites et carrées
mon pardessus est si mince
qu’il fond lentement sur le portemanteau
 
suis le plus triste compagnon de voyage
je regarde seulement la pointe de mon parapluie
j’ai des cigares que je n’allume pas
je sais une histoire incroyablement belle
que je ne raconte à personne
 
je ne descends jamais de mon train
dans des gares, des villes, des parcs
je me sens affreusement seul
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe.
*
Lisez l’original en roumain :

http://wp.me/p1wz5y-fL

 

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Du tir à l’arc – Matei Vişniec

Tire sur moi, je lui disais, tire sur moi
je suis là, sur le toit de la ville
 
il tirait et la flèche me frappait le pied
je la lui tendais en le priant : vise encore une fois
 
il tirait et me touchait l’épaule
j’arrachais la flèche de mon épaule
et lui courais après, lui disant : tu t’es trompé
essaie encore une fois
 
il me regardait suppliant, me voyait
furieux et hargneux, il tendait son arc
et visait mon oreille gauche
 
mensonge, je criais, un grand mensonge,
est-ce que personne ne peut viser mon cœur
ou mon front, bâtards !
 
je fonçais sur lui, j’attrapais sa poitrine de mes
paumes noires, j’hurlais dans son oreille :
bâtard, regarde-moi quand tu frappes
attrape puissamment la corde de l’arc
et vise mon cœur
 
il tirait sur moi d’une main tremblante
et la pointe acérée passait à côté
s’enfonçant dans le cœur de mon cheval
que j’aimais et qui
n’était coupable de rien
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe.
*
Lisez l’original en roumain :

http://wp.me/p1wz5y-fH

 

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Les miettes qui tombent – Matei Vişniec

Les miettes qui tombent depuis la table de travail du poète
font parfois un bruit assourdissant
l’on entend des cris, des craquements
une vieille s’évanouit sur le trottoir d’en face
un homme meurt écrasé sous une voiture pluvieuse
 
depuis la table de travail du poète
tombent parfois des miettes énormes, inadmissibles
quand le poète est las la ville même devient folle
les artésiennes gèlent, les tramways se cognent aux murs
les mots eux-mêmes se font rares, sortent incompris
 
Devant le mot silence une file d’attente énorme
attention, il n’y aura pas pour tout le monde crie le poète
même devant le mot amour qui s’est épuisé depuis longtemps
quelques irréductibles attendent encore, groupes de touristes fatigués
 
peut-être ces traces de sang
mènent au mot solitude, se dit le poète
sorti lui-même en promenade dans la ville criblée d’absences
peut-être que devant le mot humain ne rôdent plus
que les chiens
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traduit du roumain par Cindrel Lupe.
*
Lisez l’original en roumain :

http://wp.me/p1wz5y-fg

 

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