(1915 – 2001)
Au sujet de l’important groupe surréaliste roumain dont
Gellu Naum en était le chef, André Breton aurait exclamé :
„Le centre du monde surréaliste s’est déplacé à Bucarest !”
Malheureusement il y est resté, depuis, comme monde ...
*
(Sur de vieilles racines nous dormions d’un sommeil noueux.
Sur des branches, mes frères séchaient leurs longs cheveux.
Le vent s’était arrêté. Et puis, d’un coup, un immense abandon commença)
1
Un oiseau en bois passa des arbres sur la tôle des maisons
l’arbre attendait un oiseau en tôle
pour moi toutes étaient parfaitement conjuguées
mais j’étais l’oiseau en bois et en tôle qu’était assis sur une chaise et regardait par la fenêtre
(Embrasse-moi, mon soleil humide. Le bâton des yeux s’est égaré. Celui qui dort
emprunte aux arbres la chaux de notre innocence. Dans le poêle, les mots crépitent légèrement)
2
je rêvais des paysages acoustiques
collines sonores pyramides à la musique, pianos à peine feuillés
je rêvais le rythme diurne de la terre
guitares énergiques batteries
et toutes et tu presses une touche à effet certain et l’oeil danse
tu touches une corde bien connue et le pied rit et se réjouit
(Passant par les sèves, ô, ma soeur impitoyable. Aux fleurs immobiles. Jusqu’à ce que mes montagnes
se sont ébranlées. Dehors, le soleil protégea mes trésors de fumier.)
3
J’étais assis derrière moi et rêvais de me réjouir pareil à mon pied
je cherchais des mots hexagonaux
à la limite de fer du silence
je cherchais des couleurs longues j’avais faim de couleurs longues
je rêvais des gants et chaussures de sons violets
et les maisons sonnaient et les nuages bruissaient
et moi j’oxygénais dans ma pensée d’innombrables troupeaux et les fardais
pour la grande transhumance de printemps
puis après ce travail épuisant
je passais devant moi et m’essuyais la sueur de mon front
4
La nuit les coqs avaient des crêtes de cri
le souffle du monde me voilait la fenêtre
et moi je l’essuyais avec une serviette propre
vas quelqu’un et vois ce chien
puis une femme très belle me donnait du lait
peut-être avait-elle beaucoup de lampes je ne sais plus
je parlais doucement pour ne pas lui déchirer la chemise
elle me donnait du lait et pain et partait pieds nus sur le chemin
vers l’est l’ouest le sourd le mort
5
Ensuite le fleuve frénétique
et mes amis nageant endormis
(nous nous aimâmes comme les arbres, à l’ombre des sourcils épais.
Comme les passants, en fumée. Nos lampes étaient pleines de fruits. Je
me cueillais d’en toi. Tu te reposais sur le banc de mes silences.)
6
Le soir quand je rentrais dans mon cube
je voudrais me réjouir
et les choses fumaient dans des contours incertains
le cerf du voisin trottait dans la cuisine
mais les deux vieillards un oeuf à l’oreille
écoutaient le silence intact du jaune
et clignotaient au rythme du tic tac de la montre
7
(Au loin, je voyais comment ton cri brûle. Ci et là où
le sable conturait l’image d’une humidité tuée, tu restais visible
péager de ces passages, la nuit liait les bouts du chemin)
Ensuite l’immense éclosion
et parmi de tant de choses particulièrement graves
sur mes oreilles en pierre s’asseyaient des papillons
*
traduit du roumain par Tudor Miricã
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lisez l’original en roumain :
http://wp.me/p1wz5y-A