"Le Pré de Poduri" - du peintre roumain Stefan LUCHIANSeptembre comme une abeille d’or avec des lourds ailerons septembre comme un renard furtif sur les collines sur les vallons septembre comme un chevalet avec des traces de doigts mouillées dans du cinabre septembre s’éteignent lentement les couleurs comme dans un candélabre. C’est l’automne retournent en terre les pactoles les tziganes dévorent leur violes dans les arbres il semble que des troupeaux frémissaient sur les routes il y a éboulement de monnaies. Septembre comme une clinique jaune où on attend des pluies à outrance septembre comme une clinique jaune où l’au-delà commence septembre comme une maternité des gestantes feuilles septembre tu es sûr que le paradis est tout près et cela sur les lèvres tu le recueilles. * traduit du roumain par Cindrel Lupe * Lisez l’original en roumain : http://wp.me/p1wz5y-n0
Archives mensuelles : novembre 2011
Clinique jaune – Dan Galbina
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Ballade du pope de Rudeni – George Topârceanu
dessin de Cindrel LupeDepuis la foire du village Raccourcissant son chemin, Dodeline sur son cheval sage, Le pope Florea de Rudeni. Et dans le paysage riche Haut sur cimes, bas dans l’orée L’hiver pâlot s’en affiche Ses inventions de fumée. Sommeil coulant dans l’essence, Le gel saint d’Epiphanie A caillé plein d’argent mince Sur la neige et dans ses plis Et, liant en glace les gouttes, La brume qui va s’y ensuivre Au pope lui tisse la moumoute Avec des longs fils de givre. Le ciel gris comme le granite, Le forêt – en sommeil penche. Ne résonne que la marmite */ Qui pendouille sur sa hanche. Frappe le Gris d’un pied transi Voie d’hiver, sans trop penser, Il traverse lent, réfléchi Les glissances dans le sentier. Dans le silence qui perdure, Comme au fond d’une rêverie, Le pope parfois en murmure Dodelinant sur son cheval gris … En passant secoue des gaines, Joyaux froids et mensongers, Effrite des blanches voûtes qui traînent Sous des portails argentés. Près des sillons des traîneaux Aux berges prêtes à s’écrouler, Il voit des traces d’animaux Sur la neige pure étoilées. Puis sur la cime d’un rocher, Etourdi par le paysage, Il serre brusque les étriers Ouït, figé sur son Gris sage. Pas un soupir … pas un brin … Seulement en ce gris profond Arrive le bruit du tocsin Sur la forêt monotone … En oreilles longuement résonne … Avec soin il va extraire Un dodu ancien flacon De la besace derrière. Et comme il tâte la bibine, D’une allure héroïque, Le pope en reçoit soudaine Une grandeur symbolique. Là, en vallée, où la route Traverse clairières et mares, En peupliers reste la fumée De l’auberge de Vadul-Mare. Le cheval, sent la mangeoire Et y trotte en hennissant, – Car la bête est coutumière Du plaisir de l’homme saint … L’hôtelière sort en seuil, vite, Se réjouissant du blé. Ses yeux louchent vers la marmite */ : – Froid, mon Père ? – Brrr, ch’uis gelé ! * */ Coutume dans l’église chrétienne orientale : après avoir béni – à domicile- les gens ou leurs biens, le pope recevait l’obole de ses fidèles (en petite monnaie métallique) dans un tronc mobile … une « marmite » ou petit seau à anse, remplie à moitié d’eau bénite, dans laquelle se trouvait aussi un goupillon, en brins de basilic parfumé. * traduit du roumain par Cindrel Lupe * Lisez l’original en roumain : http://wp.me/p1wz5y-mQ
Classé dans George Topârceanu
Deux perles de George Topârceanu
Chiche que si ? …
Au faîte de la haie vers vignes,
Une poule aux plumes dignes
Et un coq éperonné
Haut perchés ils vont tchatcher :
– Bon bah, vise-moi, chère amie,
A quelle hauteur on y est !
Et soudain, et sans détour,
Ils commencèrent le raffut
Caquetant sous l’astre du jour
– Plus personne n’est comme nous !
Du haut d’un mirabellier,
Se cachant dans le treillis,
Tout petit et guilleret,
un mésange leur répondit:
– Chiche que si ?
Chiche que si ? …
*
L’aéroplane
Vers le coucher tout en braises
Aux vergers dans l’or trempées,
Passe un nuage seul, à l’aise
Blanc, grand comme un bovidé.
En le poursuivant facile,
Tout près même qu’il le rattrape,
Un moustique avec nœud pap’
Et des ailes immobiles.
Au coucher les braises s’étriquent.
Les collines sont assoupies.
Le nuage s’tait, mais le moustique
Remplit le silence de bruit …
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
*
Lisez l’original en roumain :
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Classé dans George Topârceanu
La Cène – Interprétations poétiques (2)
tableau du peintre français Bernard Buffet * Nichita Stănescu
La maison aux murs vagabonds à ses chambres imbriquées voyageant sans halte. Sous des plumes d’oiseaux, tous les plafonds traversent la mer, vers Malte. Salon à une table colosse aux chaises, écailles de serpent sans limite. Je suis assis en tête, aux noces, un pied me sortait dehors de ce mythe. Oh, et dessus quelle pluie de têtes, torrentielle, têtes de camus, de vieillards, de barbus, pluie de nuit, sur le plancher immatériel, pluie grondante, sans fin et sans but. Donne-moi ta main, ma fiancée effarée, et fuyons, fuyons ensemble. Bientôt pleuvra aux corps, et plongée, nous couvrira cette voûte qui tremble. Il pleuvra aux corps décapités. Fuyons, fuyons, sans faire les adieux, de la maison aux murs sans cesse remués où notre Cène eût lieu… *
Mircea Dinescu
Sous la couenne de ma mère caché enfant de bétaillère j’attends l’ange de la mort avec laisse et muselière, qu’il me change en bloc de sel léché par les brebis, en bol d’eau tiède, de lave-linge, passez-moi l’échelle que je monte en singe ou donnez-moi de la corde fine m’insinuer chez le Saint Esprit en cuisine voir comment il prépare ses victuailles aux ouailles, comment partage au couperet sacré mon corps aux vêpres mariné. *
Petrea Ştefan depuis quand Dieu m’a descendu en poésie mes ossements tous ont fondu en viande je suis un mollusque qui se nourrit de métaphore de ma métaphore mais de plus en plus souvent des métaphores des autres mes yeux innombrables regardent la danse sur le fil lyrique de ceux qui complètent, ne serait-ce que d’une miette, le pain dont Jésus rompit pour en donner aux poètes * traduit du roumain par Tudor Mirică et Cindrel Lupe * lisez l’original en roumain: http://wp.me/p1wz5y-my
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La Cène – Interprétations poétiques (1)
Tous les poèmes qui suivent ont le même titre : « La Cène » - par conséquent on a mis seulement le nom de l’auteur et sa vision des faits …Vasile Moldovan Le Conseil secret … autour d’une table vide, muets, les apprentis L’heure de la Cène … Désert des silences Toujours ardents Soupe refroidie. Augmentant le sel, une larme Après festin … on voit sur la nappe le sel de la larme Trente deniers … prix d’une corde toute neuve A l’heure du secret les poissons partageant les argents de la Lune * Carmen Sylva – Elisabeth Pauline Ottilie Luise zu Wied Reine Elisabeth de Roumanie Ont dit le Christ : «Il me vendra L’un de vous », – et amèrement Les a pénétrés alors la peine Les apprentis, tous frissonnants Ils demandent : « Dieu, c’est moi ? » Même Jean cet inflexible, Aussi Pierre, rempli de craintes, Et autour tous et encore Tremblants ils essaient de dire : « Dieu, c’est moi ? » Que puis-je dire alors moi, humble, Moi avec mon cœur si faible, Quand les forts de la croyance, Tremblants, à Christ ils demandent : « Dieu, c’est moi ? » * Erna Maura Herteliu Prenez, mangez et buvez Ceci est Mon corps Tourmenté Dans les Gethsémani de la soumission totale C’est Mon sang Ruisselant de la miséricorde Sur les autels du monde Et sur les coeurs Nonsacrés, froids et factieux Prenez… mangez et buvez Mais pas comme si vous M’auriez déchiré en miettes Mangez de Mon corps Aux consciences nettes Lisez attentivement En mâchonnant le profond Et si à la pleine mie de la Compassion Vous arrêtez-vous Et les larmes ne vous suffissent, Des verres jusqu’au fond sirotez La source de votre guérison, Du ciel la rémission. Prenez, mangez et buvez D’une manière digne de Moi En éloignant de vous Désobéissance et haine Et tant d’autres étrangères émois. Le pain s’amasse Jusqu’à sa dernière bribe Pas un iota de la Parole Aucun fragment de la Loi Qu’il ne reste Agacé entre les dents Rejeté, égaré – De l’obéissance aux saints À ne pas envier Et jusqu’à la dernière redoute. Et le verre se boit de son plein Soyez à jamais les Miens Et Moi en vous, AMEN ! * traduit du roumain par Cindrel Lupe et Tudor Mirică * lisez l’original en roumain : http://wp.me/p1wz5y-mg
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Deux poèmes – Horia Zilieru
Saintchrêmonction
entre profane et sacre porté à main
Emerge de par les bords de la cité
en la seconde lourde bâtisse marqué
Vestiges d’un épisode ancien
Sans David le psalmiste. en nuitées
Au nord de la paupière basses-runes réitère
L’agave de l’aurore de poussière :
L’accoutrement surréaliste d’emblée.
Sous les pas sourds le volcan étouffé
Délivre sa opaque repentance
« Lié aux cieux c’est moi le profané »
la haute béquille encore les concilie
Le moult-resté en arrière lever
Et le trop-près – en s’avançant – coucher.
*
Axios! Dignus est!
Délie-moi valachie qui me fus vouée
Par cette tour Babel archaïque tyran
Chamane extraterrestre / pour moi crâne.
Corbeaux hérétiques secouent leur livrée
Et sur les clochers dans une étrange danse
De ma serre j’écris en hittite des versets
Perdis-je la bonne samaritaine enrouée
Tel mont qui porte uranium en sa panse
Les tremblements et l’inspirée lave :
Moldave boréale / agrandissement.
Et dans la flamme de l’angle une pierre esclave
En contournant de loin la loi espère
Par des tournures d’ascèse éphémère
Des corps un méta / recommencement.
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Lisez l’original en roumain :
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Classé dans Horia Zilieru
Moments intimes dans la demeure de – Marin Sorescu
Envol
Un sentiment plénier
De plus en plus dénié :
Quand je sors sur le balcon
Et je me crois avion.
Je m’envole les fleurs aux bras
Et sans aucun embarras.
Ensuite un corbeau marrant
Les voltiges me les apprend.
*
Grand’ mère et les allumettes
Grand’mère cachait ses rides, coquette,
Dans une certaine boîte d’allumettes
Et les mettait seulement alors
Quand lui sortaient les nerfs dehors.
Le p’tit fils – pas sage comme ça –
Trouva les rides, les filouta,
Se les colla au front, pardi,
Et brusquement il a vieilli !
Maintenant grand’mère fait la gamine,
Tandis que l’gosse est une ruine :
Les dents se les a arrachés
Et n’aime plus les contes de fées…
*
L’on volette
L’on volette de n’importe quoi,
De sabre, puce et même de doigt.
Et les boiteux, d’un pied seulement,
Le portent haut, comme un battant.
Nue auprès nue – lueur rayonne,
Borgne auprès borgne – font une aumône.
Ce que le borgne voit – d’un borgne auprès –
Ce n’est que la pure vérité.
L’on volette de pour en sus.
Les clous volètent en Jésus.
Montons comme lui vers buts saillants
De deux saintes ailes, deux brigands.
*
Le dossier
Ma chaise à haut dossier
A un coeur vaillant et fier,
Quand me voit autour passant,
«Halte !» elle me crie, « A l’instant ! »
Effrayé m’assois d’écrire,
Obligé de lui obéir.
Et il y à un drôle de bruit :
Moi je grince, mais elle aussi.
*
traduit du roumain par Tudor Mirică
*
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Classé dans Marin Sorescu
le Rondeau en or – Ion Minulescu
Colline - oeuvre du peintre roumain Horia BerneaFournaise d’or liquéfié, Et sur les graines poussière jaunie, Bergers, brebis d’or en abris, De l’or en fleurs éparpillé. En tous, et en tout, submergé Il bat de ses ailes impies. – Fournaise d’or liquéfié, Et sur les graines poussière jaunie, Des braises du soleil envahi, La terre, sous le charme est restée Et toute femme en devient une fée, A l’âme des flammes ravi – Fournaise d’or liquéfié. * traduit du roumain par Cindrel Lupe * Lisez l’original en roumain : http://wp.me/p1wz5y-lQ
Classé dans Ion Minulescu
Poème – Radu Stanca
Tu resteras en moi même après m’avoir quitté,
Aussi impénétrable, puis désirable aussi,
Une sorte d’île étrange de routes et sentiers
Qui nulle part ne ramènent ma piètre flânerie.
Tu resteras en moi-même quand tu essaieras
Rejoindre la forêt et là-dedans t’égarer.
Vois ! Ta trace est creusée dans ma rêverie à moi
Et je peux, quand me plaise, la suivre et la chercher.
Je te retrouverais malgré toute ton opposition,
Et je saurais le lieu où tu t’abrites furtivement.
Ma rêverie ressemble au soulier de Cendrillon
Qui n’acceptera que ton pied svelte seulement.
Tu resteras en moi même après ton envolée
De mon cœur noir, tel l’oiseau qui de sa cage s’enfuit.
Mon étrange tristesse même en nues saura viser ;
Ma tristesse vise toujours beaucoup mieux qu’un fusil.
Je te trouverais n’importe l’habit que tu changerais,
Combien de masques tu mettrais afin de m’égarer.
Ma rêverie – en centaines de milliers te trouverait.
Ma peine – en centaines de milliers te connaîtrait.
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Le p’tit sou – Tudor Arghezi
Une fois Dănuţ entendit bien
Que dans l’oeuf y’a un petit rien
(Chambre d’air nommée chez nous, Qu’en roumain se dit “p’tit sou”)Et croyait que l’oeuf, dedans, Tirelire est ; donc, tentant ! Il était âgé de six Et tâchait d’être rassis, En comptant avide, en tête, Le prix d’une bicyclette. Furetant parmi les poules, Sous couveuses de farigoule, Sans saisir le guet-apens, Des oeufs, environ deux cents. Mais il fit un grand fracas, De douleur et de tracas, Pour n’avoir rien trouvé ! De plus il s’était souillé De leur jaune et de leur glaire. Et surtout, moment hilaire, N’arriva à s’nettoyer, Car la vase l’a pénétré. Il cria et pleurnicha Qu’au moins ne les mangea, Cuits, durs ou même pochés Auprès de café au lait. Il croyait, le garçonnet, Que l’p’tit sou est une monnaie Même un sou beau et tout neuf Mis d’avance en chaque oeuf. Ne sachant qu’en l’oeuf, au fond, Cet espace creux et rond Est prévu pour le poussin, Quand s’agence son dessein. Sous la coque comme une soute Est gardée de l’air une goutte, Qu’à son réveil premier P’tit poussin puisse respirer. * traduit du roumain par Tudor Mirică * Lisez l’original en roumain : http://wp.me/p1wz5y-lH
Classé dans Tudor Arghezi