du volume "Le talon vulnérable" – 1966Je sais la pureté Je sais, la pureté n’est pas féconde, Jamais une vierge n’enfante par soi, Une loi exige qu’elle se macule, Tribut pour que vivant l’on soit. Bleus papillons naissent de chenilles, Les fleurs auront des fruits autour, La neige blanche n’a pas de touche, La glaise chaude est impure. Immaculé l’éther sommeille, Seuls les microbes y sont en vie, Peux, si tu veux, de ne pas naître, Mais si tu l’est, mourras aussi. Dans la pensée le mot est joie, Mais prononcé, l’oreille le tache, De la balance vers quel plateau – Rêve muet ou gloire, je penche ? Entre silence et péché De quoi choisir – la mer ou l’ancre ? Oh, le drame de mourir de blanc Ou bien tenter la mort de vaincre… Intolérance Intolérance Je suis faible peut-être. Et mes yeux sont faibles. Ils ne distinguent pas les couleurs intermédiaires. Parce qu’elle se laisse aimée par les crabes J’en ai marre de la mer. Ses bleus confins jamais je ne dépasse De peur de ne plus retrouver la voie du retour, Comme le ver dans la soie je m’efface Et la pureté je la torde autour. Je veux des tons clairs Je veux des mots clairs, Je veux toucher au paume les muscles des paroles, Je veux comprendre quoi je suis, quoi vous êtes, En séparant précis de rire le viol. Je veux des tons clairs Et couleurs en état pure, Je veux comprendre, sentir, voir, Je préfère à cette joie ambiguë Mon désastre affreux mais tout clair. Je veux des tons clairs, Je veux dire „sans doute”, Ne pas douter même quand j’aurais eu l’âge, Je haïs la transition, la trouve triviale L’adolescence brillant acnéique sur visage. Suis-je faible ? Mes yeux sont-ils faibles ? Serai-je encore ridicule et amère ? Parce qu’elle se laisse aimée par les crabes, J’en ai marre de la mer. * traduit du roumain par Tudor Mirică * Lisez l’original en roumain : http://wp.me/p1wz5y-rt
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Deux poèmes – Ana Blandiana
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Te rappelles-tu la plage – Ana Blandiana
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Sagesse de la Terre – Ana Blandiana
"La Sagesse de la terre" - oeuvre du sculpteur roumain Constantin BrancusiSi grande, difficile à mouvoir et patiente, Quand tu la frappes elle tait ses peines, mais les sent, Elle est grande, pour cela elle peut rester insouciante, Peut parler une ou deux fois seulement un siècle durant. Nous savons qu’il existe son corps imposant Nous savons qu’elle nous couvrirait si nous aurions fauté, Nous savons qu’elle est immortelle, que près de ses seins En tant qu’enfants nous pouvons retourner. Et alors quand entre nous deviendra chaud et soyeux l’éther Quand nous ne craindrons les uns les autres, ni le vent, Nous saurons qu’elle nous parle La Sagesse de la Terre, La sagesse de ces continents. * traduit du roumain par Cindrel Lupe * Lisez l’original en roumain :
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La monnaie sur table – Ana Blandiana
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Chez moi – Ana Blandiana
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envol – Ana Blandiana
De la maladie dont je souffre
On n’en meurt pas
On y vit –
Sa substance est l’éternité même,
Une sorte de cancer du temps
Se reproduisant en soi sans trêve
C’est une maladie impeccable,
Une souffrance continue comme une voyelle en verre
Laminée dans l’azur assourdissant,
Une chute
Qui, délibérément, parce qu-elle est sans fin
Est nommée envol.
Du volume « L’oeil de cigale » 1981
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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Il faudrait – Ana Blandiana
Il faudrait
Il faudrait qu’on naisse déjà anciens,
Que nous arrivions sages,
En mesure de décider de notre sort au monde,
De savoir du croisement premier quelles routes se séparent
Et que seule l’envie de marcher soit irresponsable.
Puis devenir plus jeunes, plus jeunes, tout en marchant,
Adultes et puissants arrivant à l’entrée créatrice,
La dépasser et dans l’amour rentrant adolescents,
Enfants déjà à la naissance de nos fils.
Sans doute, ils seraient alors bien plus âgés que nous,
Nous apprenant paroles, nous berçant pour dormir,
Et nous disparaîtrons encore, en devenant toujours plus petits,
Comme la graine de raisin, comme la graine de fève, comme la graine de blé …
Du volume « Le talon vulnérable », 1966
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe
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les parents – Ana Blandiana
Il font tout nos parents, toujours, rien que pour nous –
Ils nous donnent vie, nous élèvent plus que leur altitude,
Restent ensuite , discrètement, en arrière
Ils ne nous dérangent pas, d’habitude.
Sont pénauds d’être trop vieux, trop malades,
Trop modestes parents et trop simples pour nous,
S’éstimant les coupables de ce temps gaspillé
Ils nous regardent, sages, en silences perdus.
Ensuite leur regard s’éloigne aux étoiles.
Quand le rayon s’amincit, les cieux transperçant,
Ereintés, ils n’hesitent même pas une seconde
De s’assoir en terre, pour notre fondement.
1966
traduit du roumain par Cindrel Lupe* lire l’original en roumain :
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