Rhapsodies d’automne – George TOPÂRCEANU

I
Il passa d’abord une brise
Au d’ssus des taillis,
Et vola, par friandise,
L’aigrette des pissenlits.

Aux oblongs accords de lyre
Répondirent les prés,
Toutes les fleurs soudain pâlirent
Se tenant auprès.

L’acacia visa en haut
Fier comme une bannière.
Les écailles sur ses rameaux
S’en ébouriffèrent.

Bien plus tard une pie rebelle
Sans occupation
Apporta une nouvelle
Qui fit sensation.

Elle disait que depuis hier,
Du haut de la montagne
Il paraît qu’un vent d’hiver
Fonce envers la plaine,

Et qu’en entendant de loin
Sa voix tyrannique,
Les chardons de par recoins
Courent, pris de panique…

Par vergers le bruit descend.
Au mare, sur une bûche,
Un corbeau s’y entretient
D’un héron de souche.

En passant il lui jeta
Une nouvelle étrange :
Que les feuilles vont déjà
Partir en vacances !…

II
Alarmés, par de suite,
Les piafs voltigent,
Sur le lac le jonc s’agite
Balançant ses tiges.

En son frac un martinet,
Monte sur un roseau,
Déclamer un long couplet
Rempli d’apropos.

Mais les crapauds loufoques
Carrément l’insultent
Et du jonc ils le provoquent
Aux propos incultes.

Les foulques tirent des cris fugaces
Comme les chatouilleux,
Des cigognes, sur des échasses,
Arrivent sur les lieux.

Un moustique nerveux d’une très
Mince constitution,
En vain veut participer
A la discussion.

Quand, soudain, un hobereau,
Flic de par naissance,
Sur l’étang arrive tout droit
En reconnaissance.

Aux ordres de la Police
En cas d’attentat
De cacher le préjudice
Pour raisons d’État…

Très émue et en sourdine,
Sans illusions,
Une petite gousse anodine
Fit explosion.

III
Les fleurs au jardins s’agitent
Soigneuses aux détails,
En vraies dames de l’élite
Redressant leur taille.

Deux ou trois lavandes fluettes
D’un air de famille,
Se demandent l’avis, coquettes :
„Qu’est-ce qu’on fait, les filles ?…”

De sa part le tournesol
Déjà désespère
Qu’il va perdre sur le sol
Ses dents de misère.

En sa jaune apparence
Il se tient branlant,
Comme le plateau d’une balance
Qui penche d’un flanc…

Les insectes, sans rien comprendre
Recommencent les tours.
Seulement une petite calandre
Maudissant ses jours,

Affligée demande l’avis
D’une mite tendre :
Son mari, il est parti
En habit de gendre !

Et autour lui chantent depuis
Les cigales aux flûtes.
Ouf, quel monde, ma chérie !
Y’en a qui l’envoûtent ?

L’a trouvé dans le verger
Mort sous un calice.
Et se presse pour annoncer
Le cas à la police.

IV
Les bruyères épouvantées
Par cette vie affreuse,
Décidèrent d’entamer
Une voie religieuse.

Parce-qu’elle en savait des choses,
La vieille sagittaire,
Le concile lui propose
L’élire supérieure.

Mais là-haut, au pâturage,
Les vermeilles bonnes-dames,
Veulent déjà pour le veuvage
Vivre de leur âme.

Pour cela la belladone
Apprend un criquet
Leur jeter en face une,
Qui va les piquer !…

Là-bas, sur une campanule
De la même paroisse,
S’arrêta une libellule
Son vol plein de grâce.

Aux écailles tel un dragon,
Son fin corps balance,
Un pur joyau du lagon
Aux lueurs d’faïence.

V
Mais soudain, sur les collines
Baisse l’animation…
De surprise le vent décline
Sa respiration.

Courent des nouvelles ignobles,
S’entrecroisent rumeurs…
Qu’est-ce qu’il y a ?… Vers les vignobles
On regarde en peur.

Le voilà !… De la haute plaine,
En couvrant les champs
D’un habit à longue traîne
Au couleur du vent,

Est paru l’Automne qui est
L’Ange des mélopées,
Crainte des fleurs et Prince des
Cucurbitacées…

Il en porte comme idéal
Et comme nimbe de gloire,
Une masque triomphale,
Plutôt illusoire.

Puis il prend pour sa cohorte
De tous les recoins,
Un cortège de feuilles mortes
Les porter au loin.

*

Petits insectes, fleurs tardives !
Ma veine satirique
Vous dédie, en récidive,
Quelques strophes lyriques.

Mais sachant de la rudesse
D’hiver misérable,
Je suis proie à une tristesse
Irrémédiable…

*

Lisez l’original en roumain =

http://wp.me/p1wz5y-xs

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