Traian Abruda – vite en avant

il était une fois
une fille de joie qui une pelle manœuvra
grande comme le cœur de staline dans la bataille
aux fleurs sur la chaussée
de ceinture de vastité autour
d’une ville comme on dirait bucarest du temps
ou le pain était rationné et la poésie
l’échafaudage montait en bleu de travail amidonné –
et il s’y passa alors un accident plus moche
que la fille de l’ébauche sauf que
certains camarades au parc de la cité
buvaient des bières du lac et se goinfraient
des hamburgers oubliés dans l’herbe au soleil
par des chiens vagabonds ou des maîtres pareils…
il fut un quinquennat amoindri en années
au compte ouvert à la populace
par le seul parti d’en face qui se déplace
vite, vite en avant !
*

traduit du roumain par Cindrel Lupe
lisez l’original en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2021/03/15/traian-abruda-repede-inainte/

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Traian Abruda – trois poésies

le rein baleine
(à monsieur l’ami GB)
*
j’écrirais un poème où un coquillage
contiendrait une perle minuscule, mais
que la perle soit le jour d’hier
je (re)citerais ici un poème où
le coquillage soit pris dans la poignée salée
à mettre dans la potée
je mangerais un poème récité
de sa voix tempérée, assagie – vibrant autour –
par l’océan des larmes du jour
j’avalerais,
bonus reçu d’un ami pêcheur, même
les grains de sable sis dans les reins des mots
je mettrais en gras
le mot baleine du vers: la baleine
est un énorme mammifère, on la chasse


amour, marc, porcelaine, perce-neiges, pelle
*
oui, ce jour elle ne fut aussi bonne
la tasse de café comme le jour
d’hier
la porcelaine resta – comme un marc – dans la bouche
en te pensant j’ai compté des printemps – exhumés
hier, par
exemple, j’ai fouillé les scories
pour deviner le futur de l’amourette…
depuis hier
l’amour m’est resté dans la bouche – comme la langue
parmi tant de cuillères léchées


terre d’expression, tête de dépression
*
peut-être il te traversa l’esprit
le vent qui a soufflé ce soir
les feuilles de la rue métropolite
varlaam – tu as
conclu mieux faire de bêcher mon petit jardin que de
modeler encore les mêmes figurines de glaise osées
dans le four à pain aux graines de demain…
varlaam par ses
paroles fit semblant d’éternuer: viens,
j’ai ouï, à pied, ne prends pas la voiture pour casser
les phares de brume aux berges de bitume


lisez l’original en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2021/03/06/traian-abruda-trei-poezii/

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Cette vie – Gheorghe Azap

Dans cette vie, où tu vis à l’écart,
pendant que d’autres baignent tous dans l’art,
En étalant leurs tripes, tous les jours,
pendant que d’autres, vifs comme le furet,
Avec du flouze tapissent leur gousset :
Et le gaspillent dans des goûteux séjours.
.
Cette vie entière, net ou brut soit-elle,
Ne fut remplie par de choses vénielles ;
En fait, de presque rien je l’ai bourrée :
Une poéselle, quelques bouteilles vidées,
Marc, illusions, pain sec, contrariétés,
Tranquillisants, oignons, fil à broder…
.
Or, cette vie, en forme de persiflage,
M’a tourmenté, mézigue, à tous les âges,
Sur un auvent glaiseux m’a bousculé,
mais j’ai trouvé une force de discobole,
De ramasser les cordes de mes guibolles
Et, irrité, des fanges me relever.
.
Cette vie, en élégie assaisonnée,
Me fut une douloureuse fatalité,
Tant des faveurs lui faire, j’ai peiné
Tant bien que mal, serais-je à la bourre
Pour toujours, s’il se peut, je vous assure
J’aurais du cœur pour tout recommencer.
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe.

Lisez l’original en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2019/08/24/viata-asta-gheorghe-azap

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Le maître des dires – Tudor George «Ahoe»

Des dires, hautain, j’en suis le souverain
Et ma pensée en est pour toutes loi,
Se posent autour du geste diaphane
Des courtisanes entourant un roi,

Sourient suavement, se penchent à mes côtés
En voûtant leurs dos et épaules dénuées :
Clignant les paupières, que je pourrais
Comme un pacha, choisir des douces mousmés !

D’un pas flottant elles glissent comme une caresse
Tel des fleurs de lotus en eaux câlines,
Infiniment chéries, et sans faiblesse,
Par tendres révérences, souples félines,

Tordant leur bras en dansent des ritournelles
Et d’invisibles voiles font trembler,
Tu peux bercer sur leur tissu si frêle
L’âme si fraîche, et le cœur léger,

Sur des fils délicats des araignées
Elles tissent autour une toile si réussie
Dont il suffit de sentir la bouffée
Qu’elle ensorcelle ta paupière assoupie.

De tant de charme, s’embrument fort les yeux
Et le temps de ces danses ravit les foules
Sous des voûtes cristallines, tel que Nérée,
Dans l’eau si fastueuse tu t’écroules.

Des bras et cuisses caressant toucher
Celui des roses soieries et des satins,
Un charme de clinquant et d’argenté
Déroule dans les tympans et les visions,

Sous les ondées de ces nymphes mouillées
Et pâles méduses ravagées, flétries,
Dans les rangées, flasque, spectre tu sombrais
Et leur danse accablante t’engloutit …

Un crabe sur ton crâne siègera tout à l’heure
– Comme une couronne qui flétrit avec l’âge –
Et ton regard de richissime rêveur
Fondra comme en ouvrant les coquillages.

Par le magique polype tu vas errer
A travers le nuage d’eau et méduses,
A travers des passionnels nimbes ensablés
Perles sur les lèvres, comme l’huître recluse.

Et ta main
– neptunien trident –
Tentant tardif sous les oublis, à s’échapper,
flottera à travers l’océan si lent
comme une écharpe de corail,
sous les ondées …
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe.
Lisez l’original en roumain :

https://versionroumaine.wordpress.com/2019/08/23/stapanul-vorbelor-tudor-george-ahoe

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Psaume à traverser l’océan – Dumitru ICHIM

Relie cette unicorne, à la dernière tristesse…
En fumée monte la route, à travers les bruyères
Ajourne muette, l’onde, aux galets en liesse
Si tendre qu’une berceuse brillant en nobles pierres.

De cette ultime blessure, que Dieu pourrait nous prendre,
Béquille d’un archange, sous l’aile caches ta mitaine,
Le sommeil – frère de sang, ton rêve,pourrait comprendre…
N’a-t-il goût de cantique, le charme de la fontaine?

Je partirai aux limites, vers le tilleul en fleurs,
Pareil au ciel qui berce un rossignol caché,
Que finissent les palabres sur le domaine des pleurs,
Car l’arc-en-ciel boit déjà, les nuages, son pêché.

Je reprendrai ton baiser, serré sous la paupière,
Qu’éteindre l’incendie ne put, la mer entière!

*
version française par Cindrel Lupe

Lisez l’original en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2019/03/06/psalmul-de-trecut-oceanul-dumitru-ichim

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Dédicace à Villon – Al. ALEXIANU

Tes nippes, toutes en haillons et en défroque
Les ai tournés à la mode roumaine
Et t’ai fourgué pelisse bohémienne
Qui te transforme en un Boyard vioque.

Mets ce falzar, des brodequins, des socques,
Remplace ta dague fine, en acier,
Par un kandjar pendant au baudrier,
Un riche caban te couvre, un peu en loques.

Changé de hardes et de parole dite,
Traînant par les vignobles vendangées,
Tu danses avec des putes éhontées,
Et trinques du vin en jarres de terre cuite.

Tu marches comme un pacha, à l’orientale!
Un peu lourd! Sur ta tâte, fez et mortier.
Mais ton grimoire, avec des bulles papales,
Tes blagues, sont toujours bonnes, comme hier.

Villon, ce jour, tu es un vrai roumain:
Parle sans ambages, ta poésie hirsute
Dans notre langue avec des sons de flûte
Et ta parole, nous la comprendrons bien.
*

Traduit du roumain par Cindrel Lupe

Lisez la version en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2018/11/07/invocatie-al-alexianu

 

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Peut-être le paradis – Daniel-Silvian Petre

Peut-être que le paradis est un endroit
ou les gens naissent déjà vieux
Peut-être que le paradis est un endroit
aux arbres toujours effeuillés
aux ordures non ramassées
depuis trois semaines
Un endroit ou les fleurs sentent l’humain

Peut-être que le Bon Dieu est un homme
entre deux âges
Il sort sur le balcon
le dimanche
vêtu en pyjama
Il fume des cigarettes effritées
Il hurle sur Ses marmots
beaux
comme des anges
de mettre la musique moins fort

Peut-être que le paradis est dans ma rue
*
traduit du roumain par Cindrel Lupe

*
lisez l’original en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2018/05/28/poate-ca-raiul-daniel-silvian-petre

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Buffalo Bill – Radu Stanca

Ce soir la malle-poste traversera les gorges
Nous allons la surprendre au lieu déjà connu,
Tel au temps ou les haches sortaient tout droit des forges
Et on tirait le mousquet, comme dans l’ère révolue.

Ce jour on ne touchera pas la malle de fric remplie,
Ni aux fines soieries, crèmes ou colifichets,
On touchera pas la bourse comme une balle dodue
On fouillera pas les poches cachées en lieu secret.

On ne s’enfoncera pas dans des sacs d’or qui débordent
Nous défierons la harde des pingres voyageurs
De toute manière, nous n’allons pas, roulant des cordes,
Couvrir nos yeux de masques, amis loyaux et chers.

Pas pour toucher la blonde errante dans les broussailles
Qui tremble et qui fourre ses perles entre les seins,
Pas pour choper aux filles l’anneau de fiançailles
Tournerons-nous féroces les pétards dans nos mains.

On s’en fout de la bourse de l’usurier rapace
Qui claque des dents sur le banc, pris d’un frisson mauvais,
Ni le panier aux poules, même pas le coq qui croasse
En battant des ailes, près du chariot retourné.

Ce soir, amis, la poste amène une autre chose
Plus noble et précieuse qu’on pourrait en penser
Voyant une voyageuse mince svelte, toute rose
Ou plein de sacs en jute, d’argent et or bondés.

Ce soir la malle-poste ramène une personne idéelle,
Un voyageur de marque comme je ne saurais dire,
Ramène le temps – le seigneur que aucune gabelle
N’a jamais réussi à le faire revenir.

Boyard avec des haras et gîtes éphémères
Où des chevaux de race tirent les années bleutées,
Négociant de liqueurs, si doux, tantôt amères
Un pingre qui ne se laisse tenter par des beautés.

Plus riche qu’on peut comprendre et plein qu’il en déborde,
Sous la veste on devine la bourse remplie, dodue,
Des bagues qui clignotent sur ses doigts font concorde
Et le revers du veston porte une étoile tordue.

En or massif, une chaîne traverse sa bedaine
Avec une montre ronde qu’il consulte, empressé,
Regardant distraitement et avec l’allure mondaine
Si, un instant – des siècles – en rabe serait resté.

Quand il s’endort bercé par les vagues de ronde
De la carrosse portée par les grisés bardots,
Il ronfle et écrase comme le fait tout le monde
Dodelinant sa tête comme tout autre ballot.

Il n’est du tout étrange et a une bonne figure,
Ce qui ne fait pas croire le grippe-sou qu’il est,
Personne ne le garde, il erre dans la nature,
Il voyage tout seul et toujours épuisé.

N’ayez aucune crainte, la lutte sera aisée
Et lorsque dans nos trappes enfin nous en tiendrons
Son éternelle toile, cette-fois-ci cassée,
De tous brigands du monde nous, les plus riches serons.

Si on s’empare de lui et de son trésor si rare,
Nous sommes vernis, les mecs, au-delà de nos pensées,
Et si, ce soir, de cette personne on s’empare
Nous aurons fait un coup qu’on pourra nous envier.
*

Traduit du roumain par Cindrel Lupe

Lisez l’original en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2017/12/30/buffalo-bill-radu-stanca-1920-1962

 

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Le Diptyque des Rois – Romulus VULPESCU

ADALBERT cerf vert:
Serpe, fier-celte, haubert.

BLEGOSLAV l’esclave
Rave-grave, slave suave.

CLEOBULE le nul:
Pitt bull, pête p’tit-cul.

DEIFOBE le snobe:
En robe, gobe, mort-probe.

EVARISTE le triste:
Piste mixte, kyste, ciste, liste.

FERIDUN le brun:
Fier bruni, trône Hun.

GOLIATH le croate:
Tchate, mate, tâte une chatte.

HOLOFERNES le terne:
Cernes, yeux-fermes, paterne.

ISRAFEL le bel:
Zèle, gèle, elfe fidèle.

JIVOMIR le sbire:
Tirelire, sylphe-vampire.

KENNICOTT l’escot:
Pied-bot, lord bigote.

LISIMACE le trace:
Face-basse, grâce vorace.

MAUSOLE le fol:
Faux-col, ras-le-bol.

NEGROPONTE le ponte:
Blond comte, prompt ton monte.

OLDERIC ludique:
Tique, clique bique en crique.

PERIBEE l’abbé:
Périt, bée, lave-blé.

QUERIGUT la brute:
Gros rut, croûte gratte, goûte.

REGINALD le pâle:
Fard, smart, art final:

SIGISMOND le blond:
Calice-pisse, tout rond

SAHGIHAN le vanne:
Plane crâne âne qu’ahane.

TEOFRASTE le caste:
Faste, flasque, faux fil chaste.

TATALIN le fin:
Feint la faim, brin, crin.

UNTERBECK le sec:
Bec en cake, quel mec

VICLENIDE le vide:
Vil mythe, myrte, ride, guide.

WALDEMAR le rare:
Criard boyard, gare.

XISUTHROS le gros:
Rote trop, trisse en pro.

YLDEGUS le gus:
Suce-pouce, douce mousse pousse.

ZUMBALAY qui baille:
Faille, caille, rien qui vaille.

*
Traduit du roumain par Cindrel Lupe.
Lisez la version en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2017/09/26/pomelnicul-regilor-romulus-vulpescu

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COMME SI ON POURRAIT INTERESSER QUELQ’UN – Adrian Suciu

Je pense toujours être en bonne santé pour
quelqu’un qui, sans conscience de la mort, à cinq ans,
trouva sa mère morte dans la maison, affalée sous la table
dont je pourrais décrire la forme de mémoire à tout moment.
Je la priai chante moi « Frère Jacques » mais
elle ne le fit pas et depuis je sais qu’un mort est celui qui
n’écoute pas tes requêtes – bien sûr,
cela vaut bien pour des vivants mais
on ne renie pas ses acquis à cinq ans pour si peu…
Des funérailles, je ne me souviens rien
quoique j’ai la preuve d’y avoir été,
une photo de moi dans les bras de mon père
et moi qui regarde le visage entouré de lys de maman
avec ma figure d’enfant innocent que j’espère
avoir eu encore quelques fois dans la vie. « Espère » dis-je
car je hais me regarder dans un miroir en ces moments quand
je pense avoir la figure d’enfant innocent. C’était une table
écarlate, les pieds arqués, décorés
de motifs végétaux sur les bords. J’écris comme si on
pourrait s’intéresser à ma putain de table de l’âge de cinq ans.
En fait,
j’écris toujours comme si on pourrait intéresser quelqu’un. Si
maman aurait lu une de mes poésies,
elle aurait été intéressée, elle. « Mon poète » aurait-elle dit,
elle, sans conscience de la poésie,
à moi, sans conscience de la mort.

*
traduit du roumain par Cindrel Lupe.

*

Lisez l’original en roumain =

https://versionroumaine.wordpress.com/2017/09/04/ca-si-cind-ar-interesa-pe-cineva-adrian-suciu

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Classé dans Adrian Suciu